Il y a des “incontournables” dans un voyage aussi long puisse t-il être....
Pour beaucoup, La Paz ne représente que la capitale administrative de la Bolivie, ni plus, ni moins...
Après Potosi et Sucre dont les visites ne m’ont pas enthousiasmé, je n’attendais pas grand chose de cette ville... mise à part le fait que nous y avions prévu des retrouvailles depuis bien longtemps...
En novembre, nous avions fait la rencontre au Laos d’une famille franco-bolivienne : Gyovi, Pierre et leurs 2 enfants Léandro et Alexia.
Nous nous sommes revus en décembre sur l’île de Phu Quoc au Vietnam et avions prévu de passer les voir pour l’anniversaire de Pierre, le 12 mai...
Malgré notre emploi du temps « ministériel », nous avions fait en sorte avec enthousiasme d’arriver le 10 mai chez nos amis.... cette fois-ci par les airs en prenant un avion depuis Sucre..
Nous y avions prévu du repos mais c’était sans imaginer que nos hôtes nous aient accueillis comme des rois.
Quelques repas frugales chez eux et dans certaines gargotes dont eux seuls ont le secret, une visite originale en téléphérique de cette ville certes à l’architecture chaotique pour ne pas dire bordélique m’ont permis de trouver un certain charme à cette ville dont les sommets environnants m’ont tout à coup fait rêver...
Dimanche 12 mai, nous avons dignement fêté les 11 ans de Pierre qui pour l’occasion nous a gratifié d’une « infection » dont il garde encore le mystère avec ses 39/40 de fièvre pendant près de 3 jours...
Nous avions prévu une escapade dans un endroit assez atypique de la Bolivie à partir du lundi 13 mai pour la semaine, l’état de santé du blond nous a obligé de revoir nos plans et avons pu avec l’aide de nos hôtes pour l’interprétation, décaler nos vols d’une semaine... jubilatoire d’être en tour du monde et d’avoir le temps....
Le temps aussi de repenser à notre “planning”.
Pour que Pierre puisse se reposer, nous décidons de rester 3 jours de plus à La Paz, et de partir le jeudi vers le Lac Titicaca et Isla del Sol....
Entre temps, 3 jours s’offrent à nous. Stéphanie m’invite donc à une escapade solo en montagne. 2 possibilités se présentent : un trek de 60kms pas très dur mais assez long à faire normalement en 3 jours et une ascension du Huayna Potosi, sommet perché à 6088m.
Bien évidemment, je suis excité à l’idée de battre encore mon record d’altitude dans ce long voyage.
Mon état de forme physique étant pathétique, c’est le moins que l’on puisse dire entre le poids accumulé et l’absence quasi-totale d’activités physiques; je suis très hésitant....
Stéphanie fini par me convaincre d’autant que cette ascension peut se faire en 3 jours avec une journée préliminaire technique : apprentissage rudimentaire de certaines techniques alpines : cramponnage, utilisation d’un piolet et quelques rudiments d’escalade...
Bien que je sois humble avec la “divine” montagne, je décide de m’abstenir de cette journée car en plus, notre emploi du temps s’annonce serré et réserve la tentative d’ascension avec un guide sur 2 jours.
Mon inquiétude réside principalement dans la résistance au mal des montagnes.
Certes, je suis monté au sommet du Mont Blanc et à presque 5000m au Népal mais il s’agit encore d’une autre épreuve.
Heureusement, nous sommes à plus de 3500m d’altitude depuis le début du mois de Mai ce qui me laisse penser que je “dois” être acclimaté...
Le mardi matin, me voilà donc embarqué dans cette “galère” sans aucune préparation physique et mentale... dans un bus et en compagnie de gens qui me pousseront dans mes retranchements de la compréhension et l’expression de la langue de Shakespeare pendant 2 jours....
Heureusement, je fais la rencontre d’Adrien qui lui, suisse trilingue, me servira régulièrement d’interprète, mes efforts ne suffisant pas par moment...
Lui aussi ayant prévu la tentative en 2 jours, nous entamerons ensemble la marche en direction du camp de base et pourront ainsi admirer,non pas sans une certaine crainte, les premiers contreforts du Huayna Potosi.
Arrivés au camp de base, nous rencontrons nos 2 autres compagnons : l’isaraélien Alon et l’écossais Robert...
Nous passerons ensemble une fin d’après midi un peu éprouvante entre les maux de tête apparaissants, le dîner pris à 17h et le plaisir très relatif que nous avons eu à déguster la coca dans tous ses états : feuilles à mâcher, en bonbon ou encore dans des litres d’eau chaude.....
Couchés à 18H, la nuit courte sera malgré tout assez reposante.
Levés à minuit, nous absorbons goulûment notre petit-déjeuner “nocturne” pour démarrer comme prévu notre ascension à 1h.
En alpinisme, il est une règle qui consiste à partir tôt, très tôt... c’est une question de sécurité.
La nuit fait son travail et le regel nocturne est indispensable pour rendre l’ascension plus facile et surtout moins dangereuse : les coulées de neige étant moins importantes de nuit, les ponts de neige plus stables....
Sur ces considérations, nos guides nous informent du planning à tenir et nous fixe comme objectif et comme heure limite entre 6h30 et 6h40 au sommet ... ça ne rigole pas en Bolivie... quoique... j’ai un doute quant à la véracité de leurs propos sur l’unique “sécurité”...
Mon expérience montagnarde avec des guides et compagnons de haute volée, me laisse penser plutôt en une véritable volonté de rendre rentable leur course en en limitant au maximum la durée...
D’ailleurs, lorsque je les observe indiquer dans ce début de nuit bien noire de ce début d’ascension à certains grimpeurs, la façon dont ils doivent positionner leurs crampons, je suis septique quant à leur “safe behaviour”...
La montée sera rude, très rude... Je sens les battements de mon cœur cognés dans ma tête avec une telle force que j’imagine par moment ressembler à un boxeur au bord du chaos.
J’essaie de ne rester concentré que sur ma lampe frontale éclairant de façon ordonnée et continu les quelques mètres de cordes me reliant à ce que l’on appelle ici un guide... (désolé D.M tu m’as trop mal habitué !!)...
A 6h10, alors que les premières lueurs du jour font leurs apparitions, les premiers grimpeurs sont au sommet... cela aurait dû être mon cas, il y a 2 ans mais, force est de constater que malgré la légèreté de mon sac, les centimètres de matière lipideuse entourant dorénavant mon estomac et plombant mon arrière train m’imposent un rythme lent et donc plus raisonnable...
Je marque un temps d’arrêt et afin de laisser passer 1 ou 2 cordées, nous nous déplaçons avec mon “guide” sur le côté...
Celui-ci m’indique dans un anglais plus qu’approximatif qu’il est maintenant nécessaire de descendre considérant que mon état de forme ne me permet pas d’atteindre le sommet...
Je n’ai jamais contesté un guide et alors que je regarde le sommet et ma montre, je constate qu’il me reste encore entre 20 et 30’ pour arriver au sommet, il reste en plus derrière moi plus de la moitié des cordées du jour.
Je montre donc mon désaccord et après avoir convaincu difficilement mon “guide” du jour, nous repartons.
Je planterai mon piolet à 6h29 très exactement au sommet de cette montagne haute de 6088m, fier de montrer le cadran de ma montre à mon partenaire mais surtout ému d’avoir vaincu une nouvelle fois une telle difficulté à ce moment là de mon voyage et de ma vie.
Quelque peu en confiance et zélé, je montrerai à mon “guide” ma dextérité de descendeur aidé par mon expérience de montagnard et la gravité de mon poids plus facile à maîtriser dans l’exercice de la descente que celui de la montée...
Je finis donc fièrement cette escapade, usé jusqu’aux rotules et imaginant que mon retour en France et régulièrement dans “mes” Pyrénées me laisse imaginer encore de biens belles aventures...